Ne dites plus à un enfant qu’il est dyslexique ! C’est la suggestion étonnante que nous a faite Léonard Vannetzel lors d’une formation sur l’orthopédagogie… Cela a inévitablement entrainé  la question : mais pourquoi donc ?

Parce qu’il serait plus efficace pragmatiquement de mettre ce concept de côté dans l’approche de nos pratiques professionnelles ?

Parce que ne plus en parler élargirait le champs des possibles ? Ou plutôt…

Parce qu’en parler rétrécirait le champs des possibles ?

Parce que cela éviterait d’apposer à tout va l’étiquette de « dyslexique » à de vastes cohortes de jeunes, avec toutes les conséquences négatives que peuvent entraîner les erreurs de diagnostic ?

Parce que la dyslexie n’est pas un trouble… mais un symptôme ?

Que de questions…

Voici donc le point de vue de Léonard Vannetzel sur la question (sous réserve que je transcrive bien sa pensée…)

Léonard Vannetzel

Biographie

Léonard Vannetzel est psychologue, spécialisé en psychologie de l’enfant et en
neuropsychologie. Rédacteur en chef adjoint de la revue ANAE et responsable
d’ANAE Formations, il est aussi conférencier et a enseigné dans plusieurs universités
parisiennes.

Ne plus dire à un enfant qu’il est dyslexique !

Partout dans le monde, on parle de troubles de neurodéveloppement. Il n’y a qu’en France qu’on continue à évoquer la galaxie des DYS : dyslexie, dysphasie, dyspraxie, dysorthographie, dyscalculie…. Cette multiplication des dys peut engendrer des confusions massives, des méthodes d’évaluation chaotiques.

Ce problème de sémantique est tout sauf anodin. Il est urgent de proposer une sémantique plus claire pour penser ces troubles, les étudier et y remédier.

Voici le type même de classification qu’il faudrait penser autrement :

Un modèle plaqué sur un autre.

Il y a à peu près 150 ans, la science commençait à caractériser les troubles liés à des zones spécialisées du cerveau chez l’adulte…  on est alors parti du principe que le cerveau de l’enfant était le même que celui de l’adulte… en plus petit.

Mais chez l’enfant, les modules spécialisés n’existent pas, contrairement à chez l’adulte… Ils sont encore en construction..

Le diagnostic de dyslexie présuppose une atteinte de modules… qui n’existent pas encore !!!

Bien sûr des enfants peuvent présenter des troubles neuro-développementaux qui se traduisent par des difficultés en mathématiques, en lecture ou en écriture.  Mais ce n’est pas de la dyslexie.

Une zone d’anarchie méthodologique.

……….Aujourd’hui, on est clairement dans une zone d’anarchie méthodologique, on ne sait plus de quoi on parle. C’est ainsi qu’on a des enfants sur-diagnostiqués et sur-rééduqués, ou a contrario, des enfants présentant des symptômes qui ne sont pas diagnostiqués. Ou enfin des personnes diagnostiquées durant leur enfance qui, une fois adultes, se retournent vers leurs parents ou leurs médecins d’alors et disent « regardez, je ne suis pas du tout dyslexique, c’était complètement faux »……….

Un diagnostic auto-réalisateur

Au départ on se dit : « cet enfant est dyslexique, donc il est en retard », alors que c’est totalement faux, il y en a qui réussissent très bien. Ces enfants ont des ressources à rechercher en dehors du cadre de l’éducation classique. Chez certains ce diagnostic imprime une identité, et ils se disent :  » Donc en fait je suis handicapé, c’est pour cela que je ne réussis pas « …  Il faut surtout penser… dire à l’enfant… et dire aux autres que ce n’est pas une fatalité. On en fait une malédiction et c’est totalement contre productif.

La dyslexie n’est pas un trouble mais un symptôme.

Beaucoup de professionnels continuent à fermer les yeux en pleine conscience, et à diagnostiquer des enfants dyslexiques alors qu’ils savent que ce trouble, en soit, n’existe pas. Ce sont des symptômes… C’est tellement rassurant pour l’adulte de se dire que l’enfant est comme ça, qu’il est handicapé et que ce c’est de la faute de personne… et en profiter pour éviter de se remettre en question.

Plutôt que d’utiliser cette représentation :

On pourrait utiliser celle-ci :

On voit immédiatement qu’une atteinte de la sphère auditivo-verbale (fonction instrumentale) a nécessairement une incidence sur les apprentissages et sur l’automatisation de la lecture. La dyslexie se positionne bien comme un symptôme et non comme un trouble primaire.

Pour aller plus loin…

Une conférence de haute qualité :